Les marques vont devoir constituer leur capital données first party, mais aussi s’appuyer sur des alliances avec des partenaires “complémentaires” pour accroître ce capital
Avec la fin programmée des cookies tiers, il va devenir impossible pour les marques de re-cibler des prospects ayant visité leur site sur d’autres médias. Pour cibler un internaute, il faudra désormais s’appuyer sur des données propriétaires. Pour ne pas devenir totalement dépendant des géants du web et des médias pour cibler leurs prospects et leurs clients, les marques vont devoir constituer leur capital données first party, mais aussi s’appuyer sur des alliances avec des partenaires “complémentaires” pour accroître ce capital, grâce aux données second party.
Dans un marketing sans cookies tiers, la priorité est de constituer un capital de données “first party”
Après Safari et Mozilla Firefox, Google a annoncé en janvier 2020 la disparition des cookies tiers sur Chrome en 2022. Autant dire que la fin des cookies tiers est annoncée.
Concrètement, quel est l’impact ?
Les cookies tiers sont utilisés par les annonceurs pour re-cibler les visiteurs de leur site en fonction de leurs comportements (intérêt pour des produits) sur des sites tiers, généralement des médias proposant l’affichage de publicité ciblée. Ainsi, cette annonce remet en cause le modèle du “retargeting”, ce qui explique la chute de 16% du cours de bourse de Criteo le 14 janvier.
Il ne sera bientôt plus possible de reconnaître des internautes sur différents sites web simplement grâce au “tracking” par des cookies. Cela a donc des conséquences sur l’investissement publicitaire : il sera moins ciblé, mais aussi il ne sera plus possible de limiter le nombre d’expositions d’un utilisateur donné à une annonce (“capping”), ni de mesurer la conversion sur la base de cookies.
Ainsi, pour cibler, les médias et annonceurs devront collecter eux-mêmes des données sur leurs utilisateurs : il s’agit des données first party. Dans ce contexte, les GAFAM ont historiquement un avantage de poids, puisqu’ils touchent, chacun individuellement, une part considérable des internautes. Google, qui s’est bien sûr préparé à l’après cookie tiers, travaille déjà sur un futur produit appelé “Privacy Sandbox”, est qui permettra par exemple d’accéder à des possibilités de ciblage par segments basés sur les habitudes de navigation dans l’écosystème Google.
Les alliances ou l’intérêt nouveau des données “second party”
Pour se faire une place face aux géants du web, certains acteurs média et les annonceurs ont choisi la stratégie de l’alliance data, c’est-à-dire la mise en commun de leur capital data first party.
Pour s’affranchir de l’utilisation des cookies tiers, ces alliances data fonctionnent sur la base d’ID uniques pour faire le lien entre les différentes sources de données. Pour fonctionner, ces plateformes supposent donc l’authentification des utilisateurs.
Voici quelques exemples de ces alliances :
- Criteo, premier acteur ad tech concerné par la fin du cookie tiers et du retargeting tel qu’il a existé jusqu’à aujourd’hui, fait évoluer son offre pour créer une plateforme “Retail Media” fédérant un large inventaire de sites marchands.
- L’Alliance Gravity réunit la majorité des éditeurs média français autour d’une plateforme commune de données, permettant de créer des profils de lecteurs complets, et de les cibler sur un large inventaire média
- Enfin, les enseignes du groupe Mulliez (Auchan, Décathlon, Leroy Merlin, Saint Maclou…) se sont réunies autour de la plateforme Valiuz.
Reach de l’alliance Gravity selon Médiamétrie juin 2020
Ainsi, ces alliances donnent une importance grandissante à ce qu’on appelle les “second party data”, c’est-à-dire les données provenant de partenaires. Chaque partenaire apporte des first party data (données CRM, transactionnelles, mais aussi potentiellement navigationnelles, c’est-à-dire collectées grâce aux cookies) et l’ensemble constitue une plateforme de second party data pouvant être exploitée par chacun des partenaires.
L’authentification des clients (et prospects) devient un enjeu clé
Qu’il s’agisse de données first party ou de données second party, la capacité à identifier un client avec un ID unique est devenu le principal enjeu.
- Dans le cas des données first party, l’enjeu concerne le CRM. Il est bien sûr possible de personnaliser une interface en fonction de la navigation d’un utilisateur au cours de ses différents visites du site ou des sites de la marque, mais ces données “navigationnelles” ont peu de portée puisqu'elle ne peuvent pas être enrichies par les données de comportement sur d'autres sites tiers, et ne permettent pas de re-cibler un utilisateur en dehors du site de la marque. Finalement, concernant la donnée first party, l’enjeu est celui de la réconciliation des données autour d’un ID client unique (grâce aux données telles que l’adresse email, le numéro de téléphone, le prénom et le nom) afin de permettre une gestion de la relation client (CRM) personnalisée.
- Dans le cas des données second party, l’ID unique est bien sûr incontournable, puisqu’il est justement le maillon qui permet de réconcilier les données provenant des différents partenaires dans une plateforme data client commune.
Bref, encourager le client à s’identifier sur les sites et applications de l’annonceur ou de l’éditeur média (selon le cas) devient essentiel. Ce qui pose bien entendu une question centrale, si on se place du point de vue de l’utilisateur : quel est son bénéfice s’il se connecte ? Quelle est la promesse de valeur de l’annonceur ou du média en échange de la création d’un compte et de la connexion ?
Pour de nombreux acteurs, la question ne se pose pas : les applications mobiles, les services connectés. Mais dans le cas d’un titre de presse dont l’audience reste encore majoritairement sur le papier ? Et pour une enseigne retail dont les achats sont encore effectués majoritairement en point de vente ? Et pour une société industrielle vendant des outils ou des installations à une clientèle B2B ?
Dans tous ces cas, il devient indispensable de penser la promesse de valeur digitale, et celle-ci doit être forte : cette promesse de valeur s’articulent généralement autour des services, de l’accompagnement personnalisé, et des avantages réservés aux clients. En somme, elle repose dans un programme relationnel complet, destiné à “augmenter” l’expérience du client, et généralement à valoriser sa fidélité et son attachement à la marque.
Exemple d’email envoyé par Décathlon pour expliquer en toute transparence au client l’apport et la valeur ajoutée de Valiuz
La gestion de préférences : un aspect discret mais essentiel de la future relation client
Dans un contexte où les marques vont accélérer la collecte de données first party, et dans certains cas s’associer à des partenaires pour mutualiser ces données, la notion de consentement devient critique. Il est indispensable de permettre à l’utilisateur de contrôler précisément qui a accès à quelles données personnelles, et pour quelles finalités, et bien sûr, de s’y opposer le cas échéant.
En formalisant cette relation et en donnant au client l’accès à une plateforme centrale et facile d’utilisation pour retrouver son historique et ses données partagées, la marque renforce la confiance.
Mais au-delà de ce consentement, le concept même de programme relationnel s’articule autour de la personnalisation de la relation entre la marque et ses clients. C’est pourquoi il est dans l’intérêt des entreprises de permettre à leurs clients et utilisateurs de personnaliser le plus possible leurs préférences : intérêt pour les offres, les contenus, choix de la fréquence des messages, des canaux de contact, et des données auxquelles la marque peut accéder. On peut supposer qu’en offrant plus de liberté dans la configuration de ses préférences aux clients, ceux-ci seront d’avantages enclins à augmenter leurs interactions avec le marque, et à consentir à l’utilisation des données.